Au nom de la simplification administrative, un nombre croissant de micro, de petites et même de moyennes entreprises, ont désormais la possibilité de limiter la publication de plusieurs éléments de leurs comptes annuels. Sauf que l’accès à ces options reste bien complexe. Et que le manque de transparence d’une entreprise sur sa situation financière peut s’avérer une arme à double tranchant.
La Loi PACTE 2019 a été adoptée au printemps dernier (22 mai). Elle comporte plusieurs nouvelles dispositions, avec quelques textes réglementaires, impactant la publication des comptes annuels des entreprises, afin de limiter à la fois le nombre, la taille et enfin les obligations de publication des différents éléments qui le constitue (Bilan, annexes, comptes de résultats).
L’un des principaux changements concerne la définition même de la petite ou moyenne entreprise. La loi PACTE relève ses seuils de définition, afin de mettre la France en conformité avec les nouvelles exigences européennes de nomenclature des sociétés.
Pour entrer dans la catégorie de la petite entreprise, il faut maintenant respecter deux des trois critères suivants : compter au plus 50 salariés, réaliser au plus 12 millions d’euros de CA (contre 8 millions auparavant) et présenter un bilan au plus égal à 6 millions d’euros (contre 4 précédemment). Dans le même temps, le calibrage de la moyenne entreprise évolue également. Elle est définie par trois seuils (dont deux au moins à ne pas dépasser) : moins de 250 salariés, un chiffre d’affaires qui ne dépasse pas les 40 millions d’euros et un bilan inférieur ou égal à 20 millions d’euros.
L’ensemble des petites entreprises et des microentreprises françaises représentent ainsi aujourd’hui plus de 90 % des entreprises hexagonales. Toutes avaient déjà la possibilité, et ce depuis les lois Hamon et Macron en 2015, de restreindre la publicité de leurs comptes annuels (confidentialité totale ou partielle des comptes). Avec la loi PACTE, une nouvelle simplification concerne, sous conditions, les moyennes entreprises.
Simplification ? A voir. Déjà, notons que le mot offre ici un double sens. D’une part, il s’agit d’affirmer une volonté de l’Etat de réduire la complexité des procédures et une ambition politique assez globale… pour rester imprécise. Mais d’autre part, le terme est déjà utilisé pour qualifier certaines versions de documents, qui pour être allégées n’en réclament pas moins de la rigueur et de la précision dans leur production. Tout le contraire en somme d’une politique de communication…
Ensuite, les entreprises vont voir se multiplier le nombre de documents potentiels à transmettre : versions simplifiées pour les tiers non autorisés et versions détaillées (ou confidentielles, voire semi-confidentielles) pour les tiers autorisés. Elles vont devoir activer ou pas les options de protection de la confidentialité, préciser si les comptes « confidentiels » visés par leur éventuel commissaire aux comptes ont fait l’objet de réserves ou pas. Ajoutons pour faire bonne mesure que le contenu obligatoire des documents évolue en fonction de la taille de l’entreprise, et sous réserve qu’elle ne fasse pas l’objet d’exceptions prévues par la loi. Par exemple, de l’article 47 de la loi PACTE, découle la possibilité pour l’entreprise moyenne d’opter pour la publication de la présentation simplifiée de ses comptes annuels (bilan, annexes et compte de résultats), mais en les assortissant d’une mention précisant si la certification du commissaire aux comptes a été accordée avec ou sans réserve, refusée, impossible ou avec point d’attention particulier du rapport mais sans réserve (sic).
Le résultat de tout cela ? Beaucoup plus de travail pour l’expert-comptable (donc plus de dépenses pour l’entreprise) ou sa direction financière. Mais pas moins pour l’entrepreneur qui ne s’occupait déjà pas de ce sujet auparavant. En revanche, la logique de ces dépôts et publications risque de lui échapper encore un peu plus.
Allons encore plus loin et demandons-nous si le message ne risque pas d’être contre-productif. D’abord d’un point de vue macro-économique : en encourageant les entreprises à cloisonner l’information sur leur société, et malgré les dispositions légales qui donnent la possibilité aux sociétés d’analyse financière (rassemblées au sein de la FIGEC) de consulter les informations confidentielles, le travail de scoring de ces dernières risque de se complexifier. La bonne idée de départ se traduirait alors par des réticences des partenaires financiers des petites entreprises à leur faire crédit, puisque ce scoring leur sert justement à mesurer leurs risques. Il produirait l’inverse de l’effet désiré, à savoir une amélioration de la compétitivité grâce à un allègement des procédures.
Ensuite à l’échelle de chaque entreprise : à l’heure des réseaux sociaux et alors que le moindre avis sur la qualité et la valeur d’une entreprise rencontre un écho parfois assourdissant, que peut signifier le choix de son dirigeant de restreindre l’accès à des informations objectives sur sa santé financière ? Rien de bon, on s’en doute et la tentation de la confidentialité devra toujours être confrontée à la valeur de la transparence. La bonne nouvelle, c’est que ce choix-là, au moins, restera toujours d’une grande simplicité ! Et que pour mieux vous en convaincre, vous trouverez auprès des sociétés de la FIGEC une écoute et des réponses à la hauteur de ces enjeux essentiels.