Transport, commerce, justice… La Loi Macron veut moderniser l’économie française. Qu’en est-il exactement dans le secteur du recouvrement ? Les propositions récentes répondent-elles à l’objectif initial ? Les huissiers et les sociétés de recouvrement sont-ils traités sur un pied d’égalité ? Éléments de réponses avec Sébastien Dirand, Secrétaire–Adjoint de la FIGEC.
Aujourd’hui, qui s’occupe du recouvrement des petites créances ?
Le recouvrement à l’amiable des petites créances est pris en charge par des sociétés de recouvrement, mais est aussi de plus en plus préempté par les huissiers qui se comportent comme de véritables sociétés commerciales. Si les circonstances l’exigent, et même si nous privilégions le règlement amiable pour des raisons notamment de coûts, nous pouvons engager une procédure judiciaire et aller jusqu’à l’exécution du dossier. Cette phase d’exécution n’est possible qu’après la remise d’un titre exécutoire par le juge.
Quels changements la Loi Macron apporte-t-elle dans l’application des modalités de recouvrement ?
La Loi Macron part d’une intention simple : désengorger les tribunaux en mettant en place une procédure pour permettre un recouvrement simple et rapide des créances inférieures à 2 000 € (montant qui sera confirmé par le décret d’application). Mais en pratique, la procédure créée par l’article 208 de la loi, réserve l’intervention exclusive d’un seul huissier de justice et écarte totalement les sociétés de recouvrement de créances. Le principe vise donc à transférer le pouvoir du juge, d’apprécier ou non le caractère exécutoire, aux huissiers. Un pouvoir que n’auront évidemment pas les sociétés de recouvrement dont la vocation est d’obtenir le paiement des créances par la négociation, l’échange et la recherche de solutions amiables avec le client débiteur et non par voies judiciaires.
Ces mesures vont-elles vraiment dans le sens d’une libéralisation équitable du secteur ?
Nous attendons le décret d’application de la loi, car avec la mise en place d’une telle mesure, les huissiers pourront réduire le temps de l’amiable pour passer rapidement à la procédure judiciaire exécutoire. Cette mesure peut donc inciter les créanciers à adresser rapidement leurs petites créances aux huissiers, au détriment d’une négociation amiable par le créancier lui-même ou son mandataire, dans l’espoir d’obtenir immédiatement un titre exécutoire et créant ainsi une forme de monopole pour les huissiers de justice. Ce qui n’est absolument pas l’objectif affiché initialement.
Sur ce décret d’application, quelles sont les attentes des professionnels ?
Nous souhaitons être reconnus comme partie prenante de la procédure. Pour cela, nous proposons que soit mentionnée clairement la possibilité d’intervention d’une société de recouvrement, agissant en vertu d’un mandat de recouvrement amiable, préalablement à la délivrance du titre exécutoire par l’huissier. Nous proposons également un principe simple : si le créancier décide d’avoir recours à une étude d’huissiers en phase amiable et non une société de recouvrement, l’étude qui délivrera voire exécutera le titre devra être différente de celle qui aura conclu l’accord. Enfin, le texte dispose clairement que cette procédure, à la différence de l’injonction de payer, restera à la charge du créancier ; nous espérons obtenir un tarif spécifique aux petites créances pour les actes d’exécution. Ce dernier étant souvent le principal frein au recouvrement judiciaire. Nous espérons être entendus et attendons beaucoup de ce décret.